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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/309

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CCXXVI

« — Dame, » dit alors Clarien, « faites trêve aux paroles.
2725« Nous sommes les messagers du païen Baligant,
« Qui sera, dit-il, le libérateur de Marsile.
« Voici le gant et le bâton qu’il lui envoie.
« Là-bas, sur l’Ebre, nous avons quatre mille chalands,
« Esquifs, barques et rapides galères.
2730« Qui pourrait compter nos dromonds ?
« L’Émir est riche, il est puissant ;
« Il poursuivra, il attaquera Charlemagne jusque dans sa France,
« Et veut le voir à ses pieds demandant grâce, ou mort.
« — Les choses n’iront pas si bien, » répond la Reine.
2740« Vous pourrez plus près d’ici rencontrer les Français.
« Depuis sept ans, ils sont dans cette terre.
« Quant à l’Empereur, c’est un vaillant, un vrai baron ;
« Il mourrait plutôt que de fuir.
« Tous les rois de la terre sont pour lui des enfants,
2745« Et Charlemagne ne craint aucun homme vivant. »Aoi.

CCXXVII

« — Laissez tout cela, » dit le roi Marsile.
« Seigneurs, » dit-il aux messagers, «c’est-à moi qu’il faut parler..
« Vous voyez que je suis en mortelle détresse :
« Point n’ai de fils, ni de fille, ni d’héritier.
2750« Hier soir j’en avais un : on me l’a tué.
« Dites donc à votre seigneur de me venir voir.
« Il a des droits sur la terre d’Espagne ;
« S’il la veut toute, .avoir, je la lui cède :
« Qu’il se charge seulement de la défendre contre les Français.
2755« Je pourrai lui donner quelques bons conseils contre Charles,
« Et il l’aura peut-être vaincu avant un mois.
« En attendant, portez-lui les clefs de Saragosse,
« Et dites-lui que, s’il me croit, il ne s’éloignera pas d’ici.
« — Vous dites vrai, » répondent les deux messagers.Aoi.