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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/315

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Avec lui n’emmène que quatre ducs,
Et, sans s’arrêter, chevauche jusqu’à Saragosse.
Il descend sur un perron de marbre,
Et quatre comtes lui ont tenu l’étrier.
L’Émir alors monte par les degrés jusqu’au haut du palais,
Et Bramimonde s’élance au-devant de lui :
« Ah ! malheureuse, misérable que je suis ! » s’écrie-t-elle ;
«J’ai perdu mon seigneur, et combien honteusement !
« Le neveu de Charles l’a frappé à mort et déshonoré. »
Elle tombe aux pieds de Baligant, qui la relève,
Et tous deux, en grande douleur, entrent dans la chambre d’enn haut...Aoi.

CCXXXII

Marsile, dès qu’il aperçoit Baligant,
Appelle deux Sarrasins espagnols :
« Prenez-moi à bras, et redressez -moi. »
De sa main gauche, alors, il prend un de ses gants,
Et : « Seigneur Émir, » dit-il,
« Je vous remets ici toute ma terre ;
« Je vous donne Saragosse et tout le fief qui en dépend.
« Ah ! je me suis perdu, et j’ai perdu tout mon peuple !
« — Ma douleur en est grande, » répond l’Émir ;
« Mais je ne saurais parler plus longtemps avec vous ;
« Car, je le sais, Charles ne m’attendra.point.
« Cependant je reçois le gant que vous m’offrez. »
El, tout en larmes à cause de son grand deuil, il sort de la chambre.
Baligant descend les degrés du palais,
Monte à cheval, éperonne vers son armée,
Si bien chevauche qu’il arrive sur le front de ses troupes,
Et, de temps en temps, leur jette ce. cri :
« En avant, païens, en avant : les Français vont nous échapper.»Aoi.

CCXXXIII

Dès la première blancheur, de l’aube, au petit matin,
S’est éveillé l’empereur Charlemagne.