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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/413

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ÉCLAIRCISSEMENT I


LA LÉGENDE DE CHARLEMAGNE



I. NAISSANCE ET ENFANCE DE CHARLEMAGNE.

SA NAISSANCE. La mère de Charles est connue, dans nos Chansons, sous le nom de « Berte au grand pied ». C’est la fille de Flore, roi de Hongrie, et de la reine Blanchefleur. Un jour Pépin la demande en mariage, et elle s’achemine vers la France. (Berte, poème composé par Adenès vers 1275, édition P. Paris, pages 7-9.) Mais l’étrangère est, dès son arrivée, circonvenue par toute une famille de traîtres : une serve, Aliste, se fait passer pour la reine de France, prend sa place auprès de Pépin et force la véritable Berte à s’enfuir au fond des bois, où elle pense mourir de froid, de peur, de faim. (Ibid., pp. 16-52.) Par bonheur, un pauvre homme du nom de Simon recueille l’innocente en sa cabane, où elle est, au bout de quelques années, reconnue enfin par son mari désabusé. (Ibid., pp. 64-132.) Quelques mois après naît Charlemagne[1].

SES ENFANCES. De la fausse Berte, de la méchante Aliste, Pépin avait eu deux fils.: Heudri et Lanfroi. Ils deviennent, comme il s’y fallait attendre, les ennemis acharnés du fils légitime, de Charles. (Charlemagne de Girard d’Amiens ; compilation du commencement du XIVe siècle, B. N, 778, f° 23, 24.) Donc, ils essayent de l’empoisonner, puis de l’égorger. (F° 24-28.) Un serviteur fidèle, David, sa charge alors de sauver l’héritier de France : il l’emmène avec lui en Espagne, et c’est à Tolède, c’est parmi les païens que va s’écouler l’enfance de Charlemagne. F° 28-30.) On n’y connaît pas, d’ailleurs, sa véritable condition, et c’est sous le nom de Mainet que le fils de Pépin se met au service du roi sarrasin Galafre. (F° 30,31.) Pour premier exploit il se mesure avec l’émir Bruyant, qu’il tue. Mais Galafre a une fille, Galienne, de qui la beauté est célèbre et

  1. La fable de Berte n’a rien de traditionnel. = On en trouve un résumé très rapide dans la Chronique Saintongeaise (commencement du XIIIe siècle). = Le Charlemagne de Venise lui donne un certain développement, et nous avons là, sous le titre de Berta de li gran pié, un premier poème qui est antérieur de soixante ou quatre-vingts ans à l’œuvre d’Adenès, et en diffère quelque peu. M. Mussafia l’a publié dans la Romania (III, p. 339 et ss. et IV, p. 91 et ss.). Cf. Philippe Mousket (vers 1240), la Gran Conguista de Ultramar (fin du XIIIe siècle), les Reali (vers 1350), et le Roman de Berte en prose (Berlin, mss. fr. 130, première moitié du xve siècle), etc. Somme toute, on n’a pensé qu’assez tard à la mère de Charles, et la légende de son fils était presque achevée, quand on songea à composer la sienne avec de vieilles histoires, celles-là mêmes qu’on mit plus tard sur le compte de Geneviève de Brabant. Il semble que ce travail n’était pas encore commencé, quand fut écrite la Chanson de Roland.