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LES FEMMES.

plement décorée, attenant à la première, servait de salle à manger, et communiquait avec l’escalier de l’office.

La khanoun était somptueusement parée, comme le sont chez elles les dames turques, surtout lorsqu’elles attendent quelque visite, Ses cheveux noirs, divisés en une infinité de petites nattes, lui tombaient sur les épaules et le long des joues. Le sommet de sa tête étincelait comme coiffé d’un casque de diamants formé par les quadruples chaînettes d’une rivière et par des pierres d’une eau admirable cousues sur une petite calotte en satin bleu-de-ciel qu’elles recouvraient presque entièrement. — Cette splendide parure allait bien à son caractère de beauté sévère et noble, à ses yeux noirs brillants, à son mince nez aquilin, à sa bouche rouge, à son ovale allongé, à toute sa physionomie de grande dame hautaine et affable.

Son cou un peu long était entouré d’un collier de grosses perles, et sa chemise de soie entr’ouverte laissait voir une naissance de gorge mignonne et bien formée qui n’empruntait pas le secours du corset, instrument de gêne inconnu en Orient ; elle portait une robe de soie grenat foncé ouverte sur le devant comme une pelisse d’homme, fendue sur les côtés à hauteur du genou, et par derrière formant la queue comme une robe de cour. Cette robe était bordée d’un ruban blanc bouillonné en étoiles de distance en distance ; un châle de Perse serrait le haut de larges pantalons de taffetas blanc, dont les plis recouvraient de petites babouches de maroquin jaune qui ne montraient que leur pointe recourbée en sabot chinois.

Elle fit placer l’étrangère auprès d’elle sur le petit divan avec beaucoup de grâce, après lui avoir toutefois présenté une chaise pour s’asseoir à l’européenne si le siége turc lui semblait incommode, et elle examina curieusement sa toilette, sans affectation marquée cependant, comme une