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LES MURAILLES DE CONSTANTINOPLE.

Nous errions faméliquement, roulant çà et là des yeux avides, et choisissant les rues qui, un peu moins désertes que les autres, semblaient nous promettre quelque chance de nourriture. Une bonne vieille dame grecque, suivie de sa petite servante portant un gros paquet, prit pitié de nous et nous indiqua, non loin de là, une hôtellerie où nous trouverions probablement de quoi nous restaurer. Ce renseignement était juste, seulement l’hôtellerie était fermée depuis plusieurs années. Les souvenirs de la brave matrone remontaient à sa jeunesse.

Le quartier que nous parcourions présentait une physionomie toute différente ; ce n’était plus l’aspect turc. Les portes des maisons entr’ouvertes laissaient l’œil pénétrer dans les intérieurs. Aux fenêtres sans grillages apparaissent de charmantes têtes de femmes, coiffées de crépons roses ou bleus et couronnées d’une grosse natte de cheveux formant diadème ; des jeunes filles assises sur le seuil regardaient librement dans la rue, et nous pouvions admirer sans les faire fuir leurs traits fins et purs, leurs grands yeux bleus et leurs tresses blondes ; devant les cafés des hommes en fustanelle blanche, en calotte rouge, en veste aux longues manches soutachées, avalaient de grands verres de raki et s’enivraient comme de bons chrétiens. — Nous étions dans Psammathia, un quartier habité par les rayas, sujets non musulmans de la Porte, espèce de colonie grecque au milieu de la ville turque. L’animation avait succédé au silence, et la joie à la tristesse ; on se sentait au milieu d’une race vivante.

Un jeune drôle, nous voyant chercher un cabaret, vint s’offrir à nous pour guide, après nous avoir fait voir son passe-port comme un vrai filou qu’il était, et il nous conduisit avec beaucoup de détours, pour donner de l’importance au service qu’il nous rendait, à une espèce de locanda