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II

MALTE


J’ai retrouvé, à Malte, cette belle lumière d’Espagne dont l’Italie même, avec son ciel si vanté, n’offre qu’un pâle reflet. Il y fait véritablement clair, et ce n’est pas là un de ces crépuscules plus ou moins blafards qu’on décore du nom de jour dans les climats septentrionaux. Le canot me dépose sur le quai, et j’entre dans la cité Valette par la porte Lascaris, Lascaris-gate, comme le dit l’inscription écrite au-dessus de l’arcade. Ce nom grec et ce mot anglais, soudés par un trait d’union, font un effet bizarre. Toute la destinée de Malte est dans ces deux mots ; sous la voûte, au passage comme à la porte du Jugement à Grenade, il y a une chapelle à la Vierge, grillée, au fond de laquelle tremblote une veilleuse, et dont le seuil est obstrué de mendiants, qui, pour la beauté du haillon, ne seraient pas déplacés parmi des gueux de l’Albaycin ; les pays chauds dorent les guenilles et les roussissent à souhait pour la palette des peintres. Par cette