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LES MOSQUÉES.

on comprend que lorsque le Christ est entré dans ce temple, Jupiter venait d’en sortir.

Il y a quelques années, Sainte-Sophie menaçait ruine ; les murailles faisaient ventre, des fissures lézardaient les dômes, le pavé ondulait, les colonnes, lasses de rester debout depuis si longtemps, chancelaient comme des hommes ivres ; rien n’était d’aplomb, tout l’édifice penchait visiblement à droite ; malgré les contre-forts d’Amurat, l’église-mosquée, tassée par les siècles, secouée par les tremblements de terre, semblait près de s’affaisser sur elle-même. — Un architecte tessinois très-habile, M. Fossati, accepta la tâche difficile de redresser et de raffermir l’antique monument, qu’il reprit en sous-œuvre, portion par portion, avec une prudence et une activité infatigables. Des bracelets d’airain cerclèrent les colonnes fendues, des armatures de fer maintinrent les arcades qui s’effondraient, des substructions solidifièrent les pans de murs fatigués ; les fentes par où s’infiltrait l’eau des pluies furent bouchées, toutes les pierres effritées cédèrent la place à des pierres neuves ; des masses de maçonnerie, adroitement dissimulées, allégèrent du poids de la coupole les piliers incapables de la soutenir, et, grâce à cette heureuse et complète restauration, Sainte-Sophie put se promettre encore quelques centaines d’années d’existence.

Pendant les travaux, M. Fossati a eu la curiosité de débarbouiller les mosaïques primitives de la couche de chaux qui les empâte, et avant de les recouvrir il les a copiées avec un soin pieux : il devrait bien faire graver et publier ces dessins d’un si haut intérêt pour l’art et qu’une occasion unique lui a permis de contempler.

Ces mosaïques sont celles de la coupole et des demi-dômes. Les autres, qui garnissaient les parois inférieures, sont dégradées et peuvent être considérées comme perdues. Les