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LE PALAIS DU BOSPHORE.

chaque femme donne par une porte unique dans un vaste couloir, comme les cellules des religieuses dans un cloître. À chaque extrémité peut se tenir un poste d’eunuques ou de bostangis. — Je jetai du seuil un regard sur cet asile des voluptés secrètes, qui ressemble beaucoup plus à un couvent ou à un pensionnat qu’on ne se l’imagine. Là s’éteindront, sans avoir rayonné au dehors, des astres de beauté inconnus ; mais l’œil du maître se sera fixé sur eux, une minute peut-être, et c’est assez.

L’appartement de la sultane Validé, composé de hautes pièces donnant sur le Bosphore, est remarquable par ses plafonds peints à fresque avec une élégance et une fraîcheur incomparables. Je ne sais quels sont les ouvriers qui ont fait ces merveilles, mais Diaz ne trouverait pas sur sa palette des tons plus fins, plus vaporeux, plus tendres et plus riches à la fois. — Ce sont tantôt des ciels de turquoise papelonnés de légers nuages qui fuient à d’incroyables profondeurs, tantôt d’immenses voiles de dentelles à dessins merveilleux, puis une grande conque de nacre irisée de tous les rayons du prisme, ou bien encore des fleurs idéales suspendant leurs corolles et leurs feuillages à des treillages d’or ; les autres chambres sont ornées de même ; quelquefois un écrin dont les bijoux se répandent dans un chatoyant désordre, des colliers dont les perles se défilent et roulent comme des gouttes de pluie, un ruissellement de diamants, de saphirs et de rubis forment le motif de la décoration ; des cassolettes d’or peintes sur les corniches laissent échapper la bleuâtre fumée des parfums et composent un plafond de leur brouillard transparent. Ici Phingari montre par la déchirure d’un nuage son arc argenté si cher aux musulmans, là l’Aurore pudique colore de rose, comme les joues d’une vierge, tout un ciel matinal ; plus loin un pan de brocart grenu de lumière, miroité d’orfrois, retroussé par