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LES FÊTES DE JUILLET.

butte boisée de moulins, qui semble un vrai Chimboraço aux débonnaires habitants de Paris, et j’éprouvai la même déception. Tout le monde craignant pour ses cors, ou pour ses côtes, s’était retiré sur la montagne comme la fille de Jephté pleurant sa virginité avec ses compagnes.

Il n’était pas encore nuit ; — mais déjà l’horizon avait mordu de sa mâchoire bleuâtre le disque enflammé du soleil qui semblait le bouclier d’un Titan rougi dans une fournaise. — Tout ce côté du ciel était d’un rouge violâtre traversé de veines de nuages gris comme un magnifique porphyre africain.

Cette teinte ardente, pareille à la fumée d’un incendie, se fondait par une dégradation insensible avec le lapis-lazuli de la portion suprême du firmament, piqué de quelques étoiles éveillées à peine qui entr’ouvaient en tremblant leurs paupières dorées. Le gris pur de la nuit envahissait tout le reste.

Des bancs de brumes blanchâtres moutonnaient sur Paris qui, vu de cette hauteur, faisait l’effet d’une mer pétrifiée dans un moment de tempête. Chaque toit formait une vapeur dont la fumée était l’écume ; de longs rayons d’un fauve sanglant glissaient horizontalement sur les crêtes des bâtiments, allumant de loin en loin une vitre, comme une écaille au flanc d’un poisson. C’était superbe, au-dessus de toute peinture et de toute description.

L’horizon acheva de dévorer le soleil ; il ne lui en