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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

de son père et s’est promené fièrement sous l’ombrelle de sa sœur où le parapluie de sa tante. Robinson remue dans les jeunes cerveaux ces idées d’indépendance et de vie sauvage innées chez l’hômme. Parul et Virginie est le rêve que chacun fait à quinze ans. Une existence nonchalante et molle, sous un ciel tendre et bleu, avec une jeune fille blanche et douce ; des promenades dans les bois sur des gazons piqués de fleurs, par des clairs de lune veloutés, toute la poésie printanière du jeune âge.

Il n’est peut-être pas de livre qui résume plus complètement le vœu d’une âme qui s’éveille ; et, sous de certains rapports, Robinson Crusoée et Paul et Virginie sont, avec leur allure chaste et bonne, leur passion discrète et contenue, des romans d’un effet dangeureux. Ils poussent sur la pente de la rêverie et de la solitude de jeunes esprits que réclament les devoirs de la société ; l’idéale figure de Virginie a préparé plus d’un désappointement amer ; le sauvage parfum de l’ile de Juan-Fernandez a enivré bien des jeunes têtes, et le canot creusé si laborieusement par le pauvre solitaire, a entrainé bien des fantaisies dans des courants perfides et sur de périlleux récifs.

Nous ne prétendons pas ici nous livrer à une analyse littéraire du roman de Bernardin de Saint-Pierre ; c’est une œuvre jugée depuis longtemps et