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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

offrir moins de dangers qu’une excursion en diligence ou en chemin de fer.

Admis dans l’enceinte réservée, nous avons vu le départ de près. Rien n’est plus paisible et plus débonnaire. M.  Green en habit noir et cravate blanche, comme un gentleman qui va dîner en ville, monte dans son cabriolet, dans son ballon, voulons-nous dire, avec le flegme le plus britannique. Une Anglaise charmante, accompagnée d’une amie, avait déjà pris place dans la nacelle ; elle était calme et souriante ; un léger nuage d’animation colorait ses joues roses mais il venait plutôt de l’aimable embarras de voir tant d’yeux fixés sur elle, que d’une crainte quelconque. Sa physionomie intelligente et pure respirait cette confiance dans les inventions du génie humain, qui caractérise la race anglaise et américaine. Une Parisienne eût jeté les hauts cris.

Le ballon, retenu par des cordes, palpitait et se balançait comme un oiseau Rock près de prendre l’essor. La comparaison est faible, mais nous n’en avons pas d’autre. Et, en effet, qu’est-ce que l’oiseau Rock des contes arabes, qui peut à peine enlever un pauvre prince cousu dans la peau d’un mouton, à côté de cet oiseau de soie gonflé de gaz qui emporte quatre personnes dans ses serres de cordelettes !

Une forte corde le retenait encore à la terre mais bientôt, sur le signal de Green, l’amarre fut coupée