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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

semble obscur, quand on compulse les pièces du procès ; traqué, exilé, emprisonné, condamné à mort et même exécuté en effigie, il eut beaucoup de peine à se tirer sain et sauf des engrenages de la machination dirigée contre lui par un parti puissant, et il mourut jeune dans la retraite que lui avait offerte le duc de Montmorency, son protecteur.

Avant de nous occuper du libertin, comme on disait alors avec un sens que ce mot n’a plus, parlons du poète. Théophile de Viau naquit à Boussères-Sainte-Radegonde en 1590, d’une honnête famille, quoique ses détracteurs l’aient prétendu fils d’un cabaretier. Le manoir paternel, que sa tour signalait d’assez loin aux yeux, n’avait rien d’une auberge, et l’hospitalité qu’on y recevait, bien que frugale, était à coup sûr gratuite ; un des ancêtres du poète avait été secrétaire de la reine de Navarre ; son oncle, nommé par Henri IV gouverneur de la ville de Tournon. Tout cela est honorable et décent.

Théophile vint à Paris en 1610 ; il avait vingt ans, et son esprit le poussa bien vite parmi les jeunes seigneurs. Il se lia avec Balzac, dont il n’eut pas à se louer, voyagea avec lui en Hollande et, à son retour, composa des vers et des entrées pour des ballets et mascarades de la cour, qui lui firent beaucoup d’honneur par leur tour ingénieux et leurs allusions adroitement amenées. Le poète avait la repartie alerte, il ne restait jamais à court, et l’impromptu lui