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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

épelle un mot difficile, un mot d’auteur, comme elle les appelle, et c’est ce qui lui donne un air un peu soucieux.

Ne crains rien, fidèle carlin, on ne te séparera pas de ta maîtresse : tu es un type aussi, honnête chien, ni plus ni moins que M. Prudhomme ; que ton museau est noir et que tes babines sont foncées et peaussues ! quelle mine insolente et plate tu as en même temps ! tu as presque l’air d’un homme ; ton cou est chargé d’un triple pli, ta poitrine est si large et ton ventre si hippopotamique, que tes petites jambes grêles et courtes s’affaissent et s’écartent sous ton poids ; tu ressembles à un tonneau posé sur quatre allumettes ; tu sues la graisse par tous les pores, et il faudra bientôt faire des crevés à ta peau, comme à un pourpoint espagnol, si l’on ne veut pas que tu y pètes. Maintenant que l’on t’a vu et que tu as fait le beau devant le monde, tu peux t’aller coucher.

Voici le jeune M. Adolphe Desjardins, héritier présomptif de la couronne ; il est plus connu sous le nom de Dodoffe. Il n’est pas besoin de vous dire que ce charmant enfant est le plus grand vaurien du monde : sa casquette est posée de travers, son gilet lui remonte jusque sous le menton, sa culotte est la parfaite antithèse de son gilet ; elle est à moitié boutonnée et semble près de choir ; une chemise fort sale profite de l’interstice pour mettre le nez à la fenêtre. Le parement de sa veste, gras et luisant comme s’il était