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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

Cet homme qui laisse choir si désespérément sa tête sur sa poitrine, et dont la lèvre inférieure fait une si piteuse saillie, c’est M. Laserre, employé, supprimé pour opinion, la victime du corridor. Il est en butte à l’inimitié de la célèbre Mme Potain, qui a été élevée chez les MM. de Montigny. Il vient de recevoir l’injonction de ne plus mettre son fourneau devant sa porte et d’ôter son petit jardin de dessus sa fenêtre ; où mettra-t-il son jardin et son fourneau ? Sur son lit, sur sa chaise ? où se mettra-t-il lui-même ? Voilà ce que c’est que d’avoir voulu continuer à prendre votre lait chez la même laitière. Au reste, lecteur et lectrice sensibles, ne vous affectez pas trop du chagrin de ce pauvre homme une reconnaissance finale arrangera tout, et il ne sera pas forcé d’arracher ses capucines et ses giroflées.

Le volume se termine par un proverbe intitulé : les Bourgeois campagnardsIl ne faut pas sauter plus haut que les jambes. Il n’y a malheureusement pas de vignettes. Il est vrai qu’il peut s’en passer, car tout y est si finement observé et rendu, qu’il vous semble voir et entendre les personnes mêmes. Je ne crois pas que l’on ait jamais rien fait de plus nature, dans la stricte acception du mot, que les Scènes de Henri Monnier. Au premier aspect, cela ne vous paraît pas plus drôle ni plus amusant que ce que l’on entend tous les jours, et l’on se demande pourquoi un homme de tant d’esprit écrit de pareil-