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AU BORD DE L’OCÉAN




Bien que j’aie fait dans ma vie autant de descriptions que tout autre littérateur, et que j’aie farci mes vers d’une quantité assez raisonnable de comparaisons océaniques, je dois avouer, avec une humilité qui me vaudra sans doute mon pardon, que je n’avais ni vu ni entrevu la mer, il y a de cela six mois tout au plus. Un remords me vint un beau jour agiter la conscience de parler aussi effrontément d’une chose qui m’était parfaitement inconnue, et je crus devoir à ma réputation de descripteur pittoresque d’aller moi-même rendre visite la mer, puisque la mer paraissait décidée à ne pas venir à moi. Je calculai dans ma tête combien de pages admirables et de périodes ronflantes cela me rapporterait, et je me mis en route. Je vis, comme l’honorable Énée, les mœurs et les villes de beaucoup de pays, si