Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/46

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pose d’insouciance enfantine ; mais croyez bien qu'il ne dort que d’un œil, voit tout le manège et le favorise. Un riche paysage, étouffé et sourd, avec des tons de velours fauve, sert de fond à cette voluptueuse scène mythologique, et fait admirablement ressortir la blancheur dorée de l’Antiope, foyer de lumière du tableau. Bien qu’elle ait la beauté d’une nymphe, Antiope reste une femme. Ce n’est pas un morceau de marbre coloré ; elle vit, elle palpite, et le gonflement de la respiration soulève sa souple poitrine.
Corrège donne à ses têtes de femmes ou de vierges une grâce presque enfantine, et, chez lui, les têtes, plus jeunes que les corps arrivés à tout leur développement de beauté, gardent un air d’innocence et d’étonnement candide. Rien de plus piquant que ce contraste, ménagé d’ailleurs avec un art infini. Dans le Mariage de sainte Catherine, la Vierge a cette fleur d’extrême jeunesse et la sainte n’est guère plus âgée. Cette charmante composition présente les lignes les plus gracieuses ! L’enfant Jésus est assis sur les genoux de sa mère, qui lui fait mettre l’anneau au doigt de sainte Catherine. Cela forme le plus délicieux bouquet de mains que jamais peintre ait groupé au centre d’un tableau. On dirait qu’elles sont faites de la pulpe des lis, tant elles sont pures, délicates et nobles avec leurs doigts amincis en fuseaux et relevés du bout. L’expression d’extase amoureuse de la sainte, qui épouse de toute son âme et pour l’éternité l’insouciant bambino, est admirablement rendue. Derrière la sainte se tient debout