Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/113

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offerte en ce moment par l’honnête Gaulois (c’était son nom). Il nous crut fou, mais le respect l’empêchant de découvrir sa pensée tout entière pour la famille duquel il avait de la considération, il se contenta d’objecter d’une voix timide :

— Mais, monsieur, ce n’est pas la mode.

— Eh bien ! ce sera la mode — quand nous l’aurons porté une fois — répondîmes-nous, avec un aplomb digne de Brummel, de Nash, du comte d’Orsay ou de toute autre célébrité du dandysme.

— Je ne connais pas cette coupe ; ceci rentre dans le costume de théâtre plutôt que dans l’habit de ville, et je pourrais manquer la pièce.

— Nous vous donnerons un patron en toile grise que nous avons dessiné, coupé et faufilé nous-même ; vous l’ajusterez. Cela s’agrafe dans le dos comme le gilet des saint-simoniens — sans aucun symbolisme.

— N’ayez pas peur ! n’ayez pas peur ! Mes confrères se moqueront de moi, mais j’en ferai à votre fantaisie ; et en quelle étoffe doit s’exécuter ce précieux accoutrement ?

Nous tirâmes d’un bahut un magnifique morceau de satin cerise ou vermillon de la Chine, que nous déployâmes triomphalement sous les yeux du tailleur épouvanté, avec un air de tranquillité et de satisfaction qui l’alarma pour notre raison.

La lumière miroitait et glissait sur les cassures de l’étoffe que nous chiffonnions pour en faire jouer les reflets elles brillants. Les gammes les plus chaudes, les plus riches, les plus ardentes, les plus déli-