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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/119

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timidité n’était pas le défaut de l’époque. On s’enrégimenta par petites escouades dont chaque homme avait pour passe le carré de papier rouge timbré de la griffe Hierro. Tous ces détails sont connus, et il n’est pas besoin d’y insister.

On s’est plu à représenter dans les petits journaux et les polémiques du temps ces jeunes hommes, tous de bonne famille, instruits, bien élevés, fous d’art et de poésie, ceux-ci écrivains, ceux-là peintres, les uns musiciens, les autres sculpteurs ou architectes, quelques-uns critiques et occupés à un titre quelconque de choses littéraires, comme un ramassis de truands sordides. Ce n’étaient pas les Huns d’Attila qui campaient devant le Théâtre-Français, malpropres, farouches, hérissés, stupides ; mais bien les chevaliers de l’avenir, les champions de l’idée, les défenseurs de l’art libre ; et ils étaient beaux, libres et jeunes. Oui, ils avaient des cheveux, — on ne peut naître avec des perruques — et ils en avaient beaucoup qui retombaient en boucles souples et brillantes, car ils étaient bien peignés. Quelques-uns portaient de fines moustaches et quelques autres des barbes entières. Cela est vrai, mais cela seyait fort bien à leurs têtes spirituelles, hardies et fières, que les maîtres de la Renaissance eussent aimé à prendre pour modèles.

Ces brigands de la pensée, l’expression est de Philothée O’Neddy, ne ressemblaient pas à de parfaits notaires, il faut l’avouer, mais leur costume où régnaient la fantaisie du goût individuel et le juste