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Le malheur de cette existence — et nous ne savons si nous avons le droit d’écrire un tel mot — a de tout autres causes que les difficultés de la vie littéraire et qu’un vulgaire dénûment d’argent. — L’envahissement progressif du rêve a rendu la vie de Gérard de Nerval peu à peu impossible dans le milieu où se meuvent les réalités. Sa connaissance de la langue allemande, ses études sur les poëtes d’outre-Rhin, sa nature spiritualiste, le prédisposaient à l’illuminisme et à l’exaltation mystique. Ses lectures bizarres, sa vie excentrique, en dehors de presque toutes les conditions humaines, ses longues promenades solitaires, pendant lesquelles sa pensée s’excitait par la marche et quelquefois semblait l’enlever de terre comme la Madeleine dans sa Baume, ou le faisait courir à ras du sol, agitant ses bras comme des ailes, le détachaient de plus en plus de la sphère où nous restons retenus par les pesanteurs du positivisme. Un amour heureux ou malheureux, nous l’ignorons, tant sa réserve était grande, et auquel il a fait lui-même dans plusieurs de ses œuvres, des allusions pudiques et voilées, porta cette exaltation, jusque-là intérieure et contenue, au dernier degré du paroxysme. Gérard ne domina plus son rêve ; mais des soins persistants dissipèrent le nuage qui avait obscurci un moment cette belle intelligence, du moins au point de vue prosaïque, car jamais elle ne lança de plus vifs éclairs et ne déploya de richesses plus inouïes. Pendant de longues heures nous avons