dévouement qu’on ne connaît plus aujourd’hui. Le chef rayonnant reste toujours debout sur sa gloire comme une statue sur une colonne d’airain, mais le souvenir des soldats obscurs va bientôt se perdre, et c’est un devoir pour ceux qui ont fait partie de la grande armée littéraire d’en raconter les exploits oubliés.
Les générations actuelles doivent se figurer difficilement l’effervescence des esprits à cette époque ; il s’opérait un mouvement pareil à celui de la Renaissance. Une sève de vie nouvelle circulait impétueusement. Tout germait, tout bourgeonnait, tout éclatait à la fois. Des parfums vertigineux se dégageaient des fleurs ; l’air grisait, on était fou de lyrisme et d’art. Il semblait qu’on vînt de retrouver le grand secret perdu, et cela était vrai, on avait retrouvé la poésie.
On ne saurait imaginer à quel degré d’insignifiance et de pâleur en était arrivée la littérature. La peinture ne valait guère mieux. Les derniers élèves de David étalaient leur coloris fade sur les vieux poncifs gréco-romains. Les classiques trouvaient cela parfaitement beau ; mais devant ces chefs-d’œuvre, leur admiration ne pouvait s’empêcher de mettre la main devant la bouche pour masquer un bâillement, — ce qui ne les rendait pas plus indulgents pour les artistes de la jeune école, qu’ils appelaient des sauvages tatoués et qu’ils accusaient de peindre avec « Un balai ivre. » On ne laissait pas tomber leurs insultes à terre ; on leur renvoyait momies pour sauvages,