Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/211

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sa roue une eau savonneuse au milieu d’un maigre bouquet d’arbres, ce fut Camille Roqueplan qui le démolit : il lui opposa le moulin de Hollande, à collerette de charpente, se dressant au milieu d’une plaine verte coupée de canaux, et se détachant sur un de ces ciels gris, si fins et si lumineux dans leur douceur, dont il eut tout de suite le secret ; nul, mieux que lui, ne sut faire fuir jusqu’à l’horizon les lignes plates des Campines, ou se dérouler la volute d’écume de la mer sur une plage sablonneuse.

Jusque-là, on n’avait rien vu de pareil, et il peut être regardé comme un des aïeux de notre jeune génération de paysagistes, si vraie, si forte, si variée, dont hier encore il était le contemporain : cela maintenant paraît tout simple, peindre des arbres, des terrains, des eaux, tels qu’ils sont dans la nature ; mais alors la nature n’était pas de bon goût ; les feuilles se découpaient sur un patron connu, les rochers avaient une coupe consacrée, les eaux tombaient d’une urne de pierre ; — on peut retrouver en province les vestiges de ce style dans les anciens papiers de salle à manger. Le moulin de Watelet, que nous citions tout à l’heure, semblait déjà un peu bien romantique à MM. Bidault et Bertin. Vous voyez ce qu’il fallait de courage et de talent pour rompre avec des habitudes si profondément enracinées. Par bonheur, à travers ses audaces, Camille Roqueplan gardait toujours le charme, et il fut le moins contesté de « nos jeunes modernes, » pour