Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/216

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en peignant des paysans au teint hâlé, aux vestes de gros drap, aux pieds chaussés d’alpargatas ; des paysannes portant des cruches sur la tête, ou traînant quelque marmot pendu au coin de leur tablier sait dégager de ces natures rustiques le côté élégant et gracieux ; il leur donne la beauté qui leur est propre ; il dessine sous le capuchon écarlate des têtes qui, pour être vraies, n’en sont pas moins jolies ; chez lui, les haillons ont même du charme.

Si ses forces ne l’eussent pas trahi, il eût fait de la grande peinture avec le même succès, c’était son rêve. Il regrettait de dépenser son talent en une foule d œuvres éparpillées, et ce fut pour lui un bonheur d’exécuter chez M. Darblay trois grands panneaux représentant des paysages animés de figures en costume Louis XV, pour la décoration d’une salle à manger. Il fit aussi quelques figures allégoriques au palais du Luxembourg, d’une couleur claire et mate, rappelant la douceur tranquille de la fresque et se soutenant à côté des peintures de Delacroix. Simple et modeste, tout occupé de son art, il ne sollicita jamais des travaux qu’on se fût empressé de lui accorder. Il obtint une seconde médaille en 1824, une première en 1828, la croix de chevalier de la Légion d’honneur en 1831, celle d’officier en 1852 ; récompense bien méritée ! Son dernier tableau, les Filles d’Ève, ne fait pas soupçonner que le pinceau allait échapper à la main qui peignait ces jeunes femmes coquettement costumées et mordant à belles dents aux pommes de l’arbre de science. Roqueplan laisse