Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/230

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l’airain de Corinthe, il était composé de tous les métaux en fusion.

Dans ses premiers ouvrages, des influences diverses sont visibles. Il y a du Gros et surtout du Géricault dans la Barque du Dante. Les torses des damnés, où s’écrase la lourde écume du fleuve infernal, font penser au Naufrage de la Méduse pour la pâleur noyée des chairs, la force des ombres et l’effort anatomique. L’école anglaise préoccupa incontestablement Delacroix, qui dut étudier beaucoup les portraits de sir Thomas Lawrence. La Mort de Sardanapale, entre autres, présente certaines gammes rosées et bleuâtres, certaines transparences rehaussées d’empâtements brusques comme des vigueurs d’huile appliquées sur de l’aquarelle, qui rappellent la palette et la facture du maître britannique. Les Combats du giaour et du pacha, car Delacroix traita deux fois ce sujet, ont une fraîcheur, un éclat et une limpidité où se sent l’influence de Bonnington. Poterlet même, un coloriste mort tout jeune et dont il ne reste que quelques fines et chaudes esquises, ne lui fut pas inutile. Mais cela n’altérait en rien sa forte individualité. Comme un guerrier couvert d’une armure bien trempée et bien polie, il reflétait un instant les objets voisins, prenait quelques-uns de leurs tons et passait, pour reparaître un peu plus loin avec sa couleur propre.

Le voyage qu’il fit au Maroc lui ouvrit tout un monde de lumière, de sérénité et d’azur. Decamps n’était pas revenu de sa caravane en Orient et Ma-