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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/238

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L’atelier d’Eugène Devéria était situé rue de l’Est[1], dans la maison de M. Petitot, où logeait aussi le statuaire Cartellier, et l’artiste l’occupait de moitié avec Louis Boulanger, qui achevait son Mazeppa pendant qu’Eugène travaillait à sa Naissance de Henri IV. Ces deux œuvres, qui firent époque parmi les premières réalisations des théories romantiques, furent élaborées fraternellement sous le même toit ; mais Eugène Devéria demeurait dans sa famille, rue Notre-Dame-des-Champs, tout près de Victor Hugo, dans la maison duquel se réunissait ce qu’on a depuis appelé le Cénacle. — En ce temps-là, les peintres et les poëtes se fréquentaient beaucoup, échangeant de mutuelles admirations. Quoique le précepte Ut pictura poesis fût classique, il avait cours dans la nouvelle école, et certes le talent de tous gagna à cette familiarité des deux arts. Comme Louis Boulanger, Eugène Devéria était un lettré, il faisait de jolis vers, et avait tout ce qu’il fallait pour comprendre la grande révolution littéraire dont le poëte des Odes et Ballades était le promoteur. Il se distingua par sa pétulante chaleur d’applaudissements aux tumultueuses représentations d’Hernani, où il menait une bande d’artistes et de rapins ; tant que la lutte dura, il fut de toutes les batailles de la nouvelle école. Le romantisme était chez lui chez les Devéria, comme on disait alors. En effet, ils

  1. Henri Regnauld a occupé cet atelier aussitôt après la mort d’Eugène Devéria. (Voir Correspondance de Henri Regnauld. Bibliothèque Charpentier.)