Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mener que des hommes sûrs. Nous répondions sur notre tête de ce petit groupe, de cette escouade dont le commandement nous était confié.

Parmi nos compagnons d’atelier, il y avait deux romantiques féroces qui auraient mangé de l’académicien ; parmi nos condisciples de Charlemagne, deux jeunes poètes qui cultivaient secrètement la rime riche, le mot propre et la métaphore exacte, ayant grand’peur d’être déshérités par leurs parents, pour ces méfaits. Nous les enrôlâmes en exigeant d’eux le serment de ne faire aucun quartier aux Philistins. Un cousin à nous compléta la petite bande qui se comporta vaillamment, nous n’avons pas besoin de le dire.

Mais nous ne voulons pas raconter maintenant cette grande bataille sur laquelle s’est déjà formée une légende. Elle aura son chapitre à part ; il nous semble qu’en tête de cette histoire du Romantisme que nous avons commencée un peu au hasard, ramené vers nos souvenirs toujours vivants par la reprise de Ruy Blas[1], la radieuse figure de celui à qui, tout jeune, nous avons dit, comme Dante à Virgile : « Tu es mon maître et mon auteur, » doive se trouver comme frontispice avec ses traits et son aspect d’autrefois.

Nos états de services d’Hernani — trente campagnes, trente représentations vivement disputées, qui donnaient presque le droit d’être présenté au

  1. À l’Odéon, le 19 février 1872.