Aller au contenu

Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

transportées par des chars ailés, vinssent pleurer en chœur au pied de sa montagne.

L’Enfance du Christ, oratorio d’une naïveté charmante, et où la musique s’amuse à balbutier les premières paroles du Dieu nouveau-né, qu’accompagne le chant des anges, parut être mieux comprise du public.

Les amis de Berlioz lui disaient, en présence de spectateurs assez nombreux : « Eh bien, les voilà qui viennent. » Avec un sourire mélancolique, il répondit : « Oui, ils viennent ; mais, moi, je m’en vais. »

Sa dernière tentative a été l’opéra des Troyens, donné au Théâtre-Lyrique ; il en avait écrit le poème, dédaignant, comme Wagner, de s’adresser à un faiseur de livret. Il croyait, ainsi que Gluck, qu’au théâtre, la parole et la note devaient être étroitement unies, et il n’admettait pas ces coupes d’airs, de cavatine, qui arrêtent l’action. Il y a de grandes beautés dans cet opéra si en dehors des habitudes du public ; un large et pur sentiment de l’antiquité y règne, et il y passe par moments, avec un éclat de clairon, comme un souffle de poésie homérique.

Cette popularité dont il n’a pas joui en France, où cependant il comptait d’ardents admirateurs, il l’avait obtenue depuis longtemps à l’étranger. L’Allemagne le connaissait et l’applaudissait ; on le nommait parmi les grands maîtres modernes. Mais chaque jour sa tristesse devenait plus sombre et plus