Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/328

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n’a pas voulu accepter de joug. Comme certains poëtes, il ne s’est pas, d’apràs un système, modelé un type auquel il fallait rester fidèle sous peine de contradiction et d’inconséquence, Combien aujourd’hui ne sont plus que les imitateurs d’eux-mêmes et n’osent plus sortir du moule invariable où ils condamnent leur pensée !

Ce n’est pas lui qui se chargera de motiver ou de régulariser les contrasles dont ses œuvres sont pleines. Aujourd’hui il peindra au pastel Ninon ou Cidalise, demain d’une chaude couleur vénitienne il fera le portrait de Violante, la maîtresse du Titien. Si le caprice le prend de modeler en biscuit ou en porcelaine de Saxe un berger et une bergère rococo enguirlandés de fleurs, certes, il ne se gêne pas. Mais, le groupe posé sur l’élagère, il n’y pense plus, et le voilà qui sculpte en marbre une Diane chasseresse ou quelque figure mythologique dont la blancheur se détache d’un fond de fraîche verdure. Il quitte le salon resplendissant de lumières poiir s’enfoncer sous la verte obscurité des bois, et quand au détour d’une allée ombrageuse il rencontre la Muse, il oublie de retourner à la ville, où l’attend quelque rendez-vous donné à une beauté d’opéra. Sa poésie est ondoyante et diverse comme l’homme de Montaigne. Elle dit ce qu’elle sent à ce moment-là, et c’est le moyen d’être toujours vraie. Les émotions ne se ressemblent pas ; mais être ému, voilà l’important. Sous cette légèreté apparente, le cœur palpite et l’âme soupire, et si le mot est simple, parfois