Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/33

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conversation. On n’en parlait que mieux debout, et les gestes de l’orateur ou du déclamateur ne s’en développaient que plus amplement. Par exemple il ne fallait pas trop faire les grands bras, de peur de se heurter le poing à la pente du lambris.

La chambre était pauvre, mais d’une pauvreté fière et non sans quelque ornement. Un passe-partout de sapin verni contenait des croquis d’Eugène et d’Achille Devéria ; auprès du passe-partout, une baguette d’or encadrait une tête de Louis Boulanger d’après Titien ou Giorgione, peinte sur carton, en pleine pâte, d’un ton superbe. Sur un pan de mur, un morceau de cuir de Bohême, à fond d’or, gaufré de couleurs métalliques, avait non pas la prétention de tapisser la chambre, mais d’étaler, pour le plaisir des peintres, un fauve miroitement d’or et de tons chatoyants dans un angle obscur.

Pour garniture la cheminée avait deux cornets en faïence de Rouen remplis de fleurs. Une tête de mort qu’on eût pu croire prise sous la main de quelque Madeleine de l’Espagnolet, tant le rayon y tombait livide, tenait lieu de pendule. Si elle n’indiquait pas l’heure, elle faisait du moins penser à la fuite irréparable du Temps. C’était le vers d’Horace traduit en symbolisme romantique.

Les médaillons des camarades, modelés par Jehan du Seigneur — notez bien cet h, il est caractéristique du temps, — et passés à l’huile grasse pour leur ôter la crudité du plâtre et les culotter, pardon du mot, les statuaires et les fumeurs l’emploient dans