Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/357

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de la vie antique, où la science de l’archéologue ne nuit en rien à l’inspiration du poëte. Melænis est écrite dans cette stance de six vers à rime triplée qu’a employée souvent l’auteur de Namouna, et nous le regrellons, car cette ressemblance purement métrique a fait supposer chez Bouilhet l’imitation volontaire ou involontaire d’Alfred de Musset, et jamais poëtes ne se ressemblèrent moins. La manière de Bouilhet est robuste et imagée, pittoresque, amoureuse de couleur locale ; elle abonde envers pleins, drus, spacieux, soufflés d’un seul jet, pour nous servir des expressions de Sainte-Beuve dans ses remarques si fines sur les différences de la poésie classique et de la poésie romantique, qui accompagnent l’œuvre de Joseph Delorme.

Les Fossiles, le titre l’indique assez, ont pour sujet le monde antédiluvien, avec sa population de végétaux étranges et de bêtes monstrueuses, informes ébauches du chaos s’essayant à la création. Bouilhet a tracé dans cette œuvre, la plus difficile peut-être qu’ait tentée un poète, des tableaux d’une bizarrerie grandiose, où l’imagination s’étaye des données de la science, en évitant la sécheresse didactique.

Comme si ce n’était pas assez des difficultés naturelles du sujet, l’auteur s’est interdit tout terme technique, tout mot qui rappellerait des idées postérieures. Les ptérodactyles, les plésiosaures, les mammouths, les mastodontes apparaissent, se dégageant du chaud limon de la planète à peine refroidie