Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/373

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cette étude. À travers les difficultés d’une vie d’aventures et de travail, il était poëte à ses heures et il a laissé comme testament un volume de vers, la dernière publication dont il ait corrigé les épreuves. Sans doute, comme tous ceux qui ont commencé par écrire en prose, Mürger manquait de cette science profonde du rhythme qu’on n’acquiert que par une longue habitude. Il n’avait pas sur le clavier poétique le doigté libre et bien rompu ; mais l’esprit, le goût elle sentiment y suppléaient. Il savait mettre dans ses vers, comme dans sa prose, cet accent ému et railleur, ce sourire qui retient une larme, cette mélancolie qui veut s’égayer et cherche en vain à rejeter le souvenir, cet esprit toujours trompé, mais jamais dupe, qui sait mieux que Shakspeare que « le nom de la fragilité est femme. » Il se distinguée par une certaine grâce féminine et nerveuse qui est bien à lui, et dont il faut lui tenir compte. Cette note prédomine sur les imitations d’Alfred de Musset, trop sensibles dans le livre. Dans ce volume il y a un chef-d’œuvre, une larme devenue une perle de poésie, nous voulons dire : « la Chanson de Musette ; » tout Mürger est là. Ces six ou cinq couplets résument son âme et sa vie, sa poétique et son talent.

Thomas Hood l’humouriste et le caricaturiste anglais, dessinait un jour le plan de son tombeau par une fantaisie jovialement funèbre, et pour toute épitaphe il y mettait ces mots : « Il fit la chanson de la Chemise. » — On pourrait écrire sur cette tombe