renferment une idée ingénieuse et se terminent par un mâle conseil contre cette ménagère à l’apparence humble, dont on ne s’occupe pas et qui finit par être la maîtresse du logis, chassant la jeune liberté. Nous ne pouvons signaler tout ce que ce volume contient de remarquable. Il faudrait prendre chaque pièce une à une, et comme l’inspiration de Sully-Prudhomme est très-diverse, on ne saurait guère en donner une idée générale. Les rayons, les souffles, les sonorités, les couleurs, les formes modifient à tout instant l’état d’âme du poëte. Son esprit hésite entre divers systèmes : tantôt il est croyant, tantôt il est sceptique ; aujourd’hui plein de rêves, demain désenchanté, il maudit ou bénit l’amour, exalte l’art ou la nature, et, dans un vague panthéisme, se mêle à l’âme universelle des choses. Il a la mélancolie sans énervement, et sous ses incertitudes on sent une volonté persistante qui s’affirmera bientôt. Un second volume, celui-là entièrement composé de sonnets, tient toutes les promesses du premier. Le poète y enferme une pensée plus haute et plus profonde dans une forme que désormais il domine en maître ; il ne pourra plus se plaindre, comme à la fin des Stances et Poëmes, de l’impuissance de son art, et se comparer au musicien dont la lyre trompe les doigts, ou au statuaire à qui l’argile refuse le contour demandé. Quoique Sully-Prudhomme restreigne habituellement ses sujets en des cadres assez étroits, son pinceau est assez large pour entreprendre de grandes fresques. Les Étables d’Augias, qu’on
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