Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/386

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craindre, c’est de garder à jamais la hautaine et farouche attitude du maître souverain qu’on a copié, et de rester comme Michel-Ange, après avoir peint le plafond de la Sixtine, les yeux et les bras levés vers le ciel. Mais c’est un danger qu’on aime à courir. Louis Ratisbonne y a pourtant échappé. Ses poésies originales ne sont pas noircies par les fumées de l’enfer dantesque ; elles ont au contraire une grâce, une fraîcheur et parfois même une coquetterie qui ne rappellent en rien le traducteur du vieux gibelin au profil morose. Ce sont de charmants vers d’amour dont la simplicité aime de temps à autre à se parer de concetti shakspeariens, et, comme la Marguerite de Goethe, à essayer devant son petit miroir les bijoux laissés sur sa table par Méphistophélés. Mais la muse de M. de Ratisbonne ne se laisse pas tenter, et elle remet bien vite les joyaux séducteurs dans le coffret pour rester la vierge irréprochable qu’elle est, et tracer avec une plume qui semble arrachée à l’aile d’un ange le chaste et naïf répertoire de la Comédie enfantine, un de ces recueils que les mères lisent par-dessus l’épaule des enfants et que les pères emportent dans leur chambre, charmés par les délicatesses d’un art qui se cache. Louis Ratisbonne a été choisi comme exécuteur testamentaire par Alfred de Vigny, ce cygne de la poésie, dont il a publié les derniers chants. C’est le plus bel éloge qu’on puisse faire de son caractère et de son talent.

A. Lacaussade a publié, en 1852, son volume de Poëmes et Paysages, qui fut couronné par l’Acadé-