Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/399

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mure, vous entendez le gazouillement d’un oiseau invisible. Votre approche le fait envoler et vous l’apercevez gagnant d’un rapide coup d’aile un autre abri. Vous cueillez quelques violettes, vous notez le chant de l’oiseau et vous poursuivez votre route ; mais bientôt le bois se change en forêt ; des clairières s’y ouvrent comme des salons de verdure, des sources babillent entre les pierres moussues et forment des miroirs où viennent se regarder les cerfs. Les violettes s’enhardissent et s’offrent à vos doigts. Votre petit bouquet devient une gerbe où s’ajoutent le muguet avec ses grelots d’argent, la jolie bruyère rose et toute la sauvage flore des bois. Des arbres, des buissons, des halliers, des profondeurs de la forêt s’élèvent mille voix qui chantent ensemble, chardonnerets, rouges-gorges, bouvreuils, pinsons, bergeronnettes, mésanges, merles, et, brochant sur le tout, quelques geais et quelques pies jetant leur dissonance à travers l’harmonie générale. À force d’attention, vous parvenez à distinguer la partie que fait chaque oiseau dans le concert, vous appréciez sa qualité de voix, son trille et sa roulade ; vous nommez chacune des fleurs de votre bouquet, déjà énorme. Mais il y a dans la forêt des milliers d’oiseaux que vous n’avez pas enlendus, qui chantent à une autre heure, au fond d’un massif où ne conduit aucune route. Des violettes aussi fraîches, aussi pures, aussi parfumées que celles dont se compose votre bouquet, croissent solitairement sous des gazons où nul œil humain ne les découvre. Elles s’y