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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/45

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âge les inextricables forêts des cathédrales et enfermer dans le coffre des horloges tout ce monde de rouages, de ressorts, de poids, de contre-poids, de balanciers, faisant mouvoir le soleil, la lune, les étoiles, les anges, les saisons, les apôtres, et même marquant quelquefois l’heure. Dans l’art dramatique, où il montra une puissance incontestable, ces difficultés de structure le charmaient par-dessus tout. Un plan simple lui paraissait par cela même défectueux, et il s’efforçait de bourrer chaque acte d’incidents, de péripéties et de complications. Lorsqu’on joua à la Gaîté le Sonneur de Saint-Paul, un des plus grands, des plus longs et des plus fructueux succès du boulevard, nous étions déjà feuilletonniste à la Presse, et c’est à nous qu’incombait la besogne difficile de rendre compte du chef-d’œuvre de Bouchardy. Neuf colonnes d’analyse ne nous avaient amené qu’a la moitié du premier acte.

Comme Bouchardy était devenu notre voisin, nous l’allâmes chercher pour nous guider dans ce dédale d’événements ; mais après une ou deux heures de marches et de contre-marches, il nous avoua qu’il ne s’y retrouvait pas, n’ayant pas son plan devant lui. Nous devons le dire, il souriait avec un certain orgueil, le monstre à la peau jaune d’or et aux cheveux indigo, et semblait flatté qu’on pût se perdre dans son œuvre comme dans les catacombes et chercher vainement à travers l’ombre la porte pour sortir. Cela l’eût amusé qu’on y fût mort de faim, mais c’est une satisfaction que nous ne lui donnâmes pas,