entendre avec quel accent de galanterie, surannée à dessein et remontant aux délicatesses du bon vieux temps, il disait ces mots. C’était tout un poème. Chacun avait dans son coin sa Laure ou sa Béatrix pour laquelle il rimait.
L’aménagement du Petit Moulin-Rouge était des plus simples. Une salle blanchie à la chaux, un plancher saupoudré de sablon jaune avec un comptoir d’étain chargé de brocs et de mesures, un dressoir garni de ces faïences vernissées aux couleurs éclatantes représentant des coqs, des bouquets de bluets et des pavots qu’on ne trouve maintenant que dans les dernières auberges de campagne, des tables et des bancs de planches à bateaux formaient l’architecture, l’ameublement et l’outillage. Quant à l’argenterie, elle était en simple fer battu, car le vicomte de Ruolz n’avait pas trouvé le moyen de fixer son argenture sur le maillechort, et le bahut n’avait pas encore bahuté, comme on dit en termes d’inventeur. Les cristaux ne venaient pas de Baccarat, mais ils étaient de ce verre léger, scintillant, côtelé, où le vin riait dans la fougère, selon le refrain des vieilles chansons à boire.
Derrière la salle commune était pratiquée une salle réservée aux repas de corps, un cabinet de société qu’occupait l’aristocratie des clients, et qui ouvrait sur un jardinet d’une pente assez forte, distribué en berceaux et en tonnelles où l’on servait du vin, de la bière et même de l’eau de Seltz ou de la limonade gazeuse pour les raffinés.