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LA FLEUR-SERPENT

ne trouvant rien de plus à dire dans la confusion de mon esprit, étranglé par l’indignation, glacé d’horreur.

Je n’avais plus pitié de la douleur de cette mère, je ne voyais que des assassins bons à châtier. Pourtant le petit cadavre était là, blanc comme un Jésus de cire, et Claudia, ivre de larmes, ne me voyait même pas.

Son mari s’était redressé à ma voix : il me regarda d’un air égaré, les yeux meurtris d’un cercle noir.

— « Vous l’avez tué, repris-je, je le sais ; il avait encore ma lettre sur lui et elle contenait le châtiment, le poison terrible, le germe de cette plante accusatrice ; le mort se venge maintenant, c’est lui qui tue votre enfant ; mais il ne s’en tiendra pas là, le crime est découvert, l’alarme est donnée, l’assassin ne pourra pas nier son forfait. »

Ma voix était saccadée, menaçante ; la colère me faisait haleter.

Le coupable secoua la tête lentement.

— « Nier ? pourquoi nier ? dit-il, je vois bien que tout est fini. C’est vrai, je l’ai tué. J’ai acheté l’amour au prix d’un crime, le sort l’a voulu ainsi, et, eût-il fallu joncher de cadavres le chemin qui