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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE.

bien des lunes se sont écoulées, et chaque matin le noble seigneur interroge ses esclaves. »

— « N’est-il pas venu une invitation de la part du vénérable avare ?

— « Non, maître.

« Et le seigneur fronce le sourcil. Quelquefois il fait battre ses esclaves, mais ceux-ci jurent sur les mânes de leurs ancêtres qu’ils n’ont point égaré l’invitation, car elle n’est jamais venue. A-t-on jamais entendu parler, dans l’empire du Milieu, d’un pareil oubli des convenances ? »

Le jeune homme dont les épaules étaient élargies par la douce épaisseur du Dragon de Mer, s’appuyait sur Cœur-de-Rubis, et relisait la seconde affiche.

— « Ami ! ami ! dit-il à demi-voix, faut-il que nous t’aimions pour nous exposer ainsi à nous voir forcés de goûter à la cuisine de ton oncle vénérable !

— Certes, dit Cœur-de-Rubis, l’ordinaire des mendiants et vagabonds qui sortent le matin de la maison des Plumes de Poules[1] est préférable à

  1. C’est une sorte d’asile public où dorment les mendiants et les vagabonds. Il se compose d’une seule salle dont le sol disparaît sous un amas de plumes de poules.