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LE FRUIT DÉFENDU.

laque rouge des élégantes habitations d’été enfouies sous des touffes de fleurs, et atteignit enfin un petit bois de jeunes cèdres, où il s’arrêta pour goûter la fraîcheur douce de l’air. Il était seul, invisible. Il songea que la lumière du jour ne l’avait jamais admiré vêtu de son costume superbe ; violemment, il rejeta sa robe noire et apparut magnifique. Le soleil dardait ses rayons à travers les branches, pour mieux le voir ; les oiseaux chantaient sa gloire ; les cèdres frémissaient, stupéfaits.

Tout à coup deux petits rires, clairs et joyeux, éclatèrent à quelques pas de Sang-Yong ; toute la personne du libraire, vêtu de jaune, prit une expression d’épouvante si parfaitement comique, que les jeunes rires, s’il en avait été le sujet, eussent doublé de rapidité, comme une cascade dont la pente augmente. Cependant il s’aperçut bientôt qu’on ne s’occupait pas de lui ; les voix riaient, parlaient, puis riaient encore.

Tranquillisé, il s’approcha de l’endroit d’où s’envolait le bruit ; car il aurait affirmé que ce rire sortait de jolies bouches. Il se trouva soudain devant une palissade de bambous peints, que les cèdres lui avaient d’abord cachée, et au-delà de laquelle