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ISOLINE

grands héros de la mer et avait acquis en leur société un certain mépris des hommes modernes.

Dans le cloître en ruines, la jeune fille s’était assise sur un tombeau que les ronces ne recouvrent qu’à demi. Le chevalier de pierre couché sur le dos joignait ses longues mains verdies de mousse ; du haut des ogives lézardées croulait une cascade de fleurs blanches, tandis que les feuilles jouaient le vitrail et répandaient une lumière verte.

Avec sa robe d’un gris tout proche de celui de la pierre, sa pâleur, son immobilité, Isoline semblait une statue ajoutée au sépulcre ; le jour vert tombant d’en haut jetait le même suaire sur elle et sur le chevalier.

Gilbert, en la regardant, eut un sursaut douloureux.

— « Venez ! venez ! s’écria-t-il, vous me semblez morte. »

Elle se leva.

— « Jean de Beaumanoir repose ici, » murmura-t-elle.

Hors de la pénombre l’illusion se dissipa, la mélancolie tomba avec ce voile blafard. La jeune fille prit sa course, tout à coup, légère, repoussant