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SYRIE.

eût cru tomber dans l’idolâtrie, car il faut pour séparer l’idée du symbole une métaphysique plus avancée que celle de cette esclave ignorante dominée invinciblement par ses préjugés d’enfance. Le mariage entre Gérard et Zeynab, dénoûment d’une situation difficile, imaginé par madame Carlès, devenait donc impossible ; il est vrai que notre voyageur n’y songeait nullement, et que la pensée de traîner à travers la vie parisienne une femme jeune, tatouée de soleils, et qu’on eût pu soupçonner de goûts anthropophages, ne s’était même pas présentée à son esprit. D’ailleurs la beauté de Zeynab avait besoin de l’Orient pour cadre ; en la transplantant elle perdait tout son charme et devenait ridicule. La fantaisie que s’était permise un touriste enthousiaste, épris de couleur locale, ne devait en aucun cas survivre au voyage qui l’avait fait naître. La conscience de Gérard, quelque délicate qu’elle fût, ne lui ordonnait pas d’embarrasser à jamais sa vie d’une pauvre créature exotique qui se fût trouvée malheureuse dans notre froid climat, parmi