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L’ORIENT.

vrier de Cachemire au seuil de sa cabane ; moi, j’enfante des machines qui travailleront à mon exemple ; moi, avec mes doigts de bronze, je ploie des enveloppes de lettres aussi habilement et aussi proprement que les ploierait une jolie femme aux doigts roses : seulement j’en fais en un jour assez pour cacheter tous les secrets d’amour, de diplomatie et d’affaires du monde. »

C’est ainsi que parlaient ces grands animaux de fer et d’airain aux formes hybrides, aux attitudes menaçantes, polypes qui semblent vouloir vous prendre dans leurs longs bras pour vous broyer et vous laminer ; ils paraissaient étonnés de notre indifférence. En effet, nous admirons plus que personne ces merveilleuses inventions de l’esprit humain, ces créations mathématiques qui, si elles n’ont pas la vie dont Dieu seul sait le secret jusqu’à présent, agissent du moins comme des êtres animés ; nous les admirons et nous les aimons, car chaque machine est un serviteur insensible, un nègre qu’on peut fouetter à toute vapeur jus-