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LES BARBARES MODERNES.

l’emportent infiniment sur les civilisés. Leurs armes, leurs étoffes, leurs selles, leurs nattes, leurs tapis, leur poterie, leur joaillerie dépassent de beaucoup les nôtres en beauté. L’Exposition leur donne pleine victoire sur ce point. Pourtant ils n’ont ni métiers ni machines ; leurs outils sont grossiers, leurs procédés imparfaits ; mais c’est à cause de cela qu’ils sont humains. Les machines donnent des résultats parfaits, irréprochables, mathématiques, toujours égaux à eux-mêmes. Elles ne s’ennuient pas, elles ne pensent pas à autre chose en faisant leur ouvrage. Elles n’aiment ni ne haïssent, ni ne jouissent ni ne souffrent ; de là je ne sais quoi de criard, de glacé, de sec, d’impersonnel. Dans ce chiffon de gaze indienne, dans cette broderie turque, dans cette natte d’Afrique, il y a une âme : la machine est sans cœur comme Fœdora. Voilà tout le secret.


FIN DU TOME PREMIER.