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LE DANUBE.

Des archipels de nuages, laissant déjà tomber la pluie en hachures de leurs flancs grisâtres, roulent pesamment dans un ciel humide et blafard et se mêlent par des lignes violettes à la terre embrumée ; quelques touffes de bruyère, quelques plaques de gazon varient seules ce paysage d’une solitude mélancolique, au milieu duquel s’élève, comme une statue dans un désert, un berger monumental au lourd manteau à manches, à la veste rouge soutachée, aux immenses braies de toile à voile, tenant d’une main un fouet et s’appuyant de l’autre sur un bâton. À quoi rêve-t-il immobile et grave entre ses deux chiens, pareils à des loups apprivoisés, pendant que ses moutons paissent et ruminent ?

La troisième aquarelle représente des Bohémiens faisant de la musique, et nous a rappelé le Cabaret dans la bruyère de Lenau, ce poëte en qui palpite une fibre si nationalement hongroise et qui a si bien compris les charmes de la vie libre et sauvage des Tsiganes. Tandis que le plus vieux joue d’une