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LE DANUBE.

paire d’énormes moustaches ; une grande redingote boutonnée jusqu’au menton, un sabre turc, des pistolets à la ceinture et de longues bottes montant à mi-cuisse complétaient l’accoutrement du courrier, mais le tout tellement couvert de boue, qu’il était impossible d’en discerner la couleur.

L’aide de camp déclina son nom et dut attendre aussi l’ouverture de la porte. On passa de nouveau du café et des pipes par les trous de boulets, et il fallut se contenter de l’éternel refrain des Turcs : Peki, peki ! (Patience, patience !), qui va si bien à leur quiétude fataliste, en attendant l’effet des négociations. Cependant le vent soufflait plus âpre et plus aigre que jamais, et les voyageurs, à demi gelés, s’étaient adossés contre la porte pour s’abriter un peu. Enfin, au bout d’une heure, les clefs arrivèrent ; mais, soit maladresse, soit erreur, elles embrouillèrent la serrure, qui se brisa après une demi-heure de résistance, laissant enfin libre l’entrée de Silistrie. Ces manœuvres avaient pris du temps, et il était déjà dix heures et demie.