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L’ORIENT.

Carthage, pulvérisée à ce point qu’on a peine à en délimiter la place, se dresse d’une façon aussi précise qu’une ville moderne copiée d’après nature. C’est la plus étonnante restauration architecturale qui se soit faite.

Comme Cuvier qui recomposait un monstre antédiluvien d’après une dent, un fragment d’os, moins que cela, une trace de pas figée sur le limon des créations disparues, et à qui plus tard la découverte du squelette complet donnait raison, l’auteur de Salammbô restitue un édifice d’après une pierre, d’après une ligne de texte, d’après une analogie. Tyr et Sidon, les villes mères, le renseignent parfois sur leur fille. La Bible, cette encyclopédie de l’antique genre humain où se résument les vieilles civilisations orientales, lui révèle des secrets qu’on n’y cherche pas ordinairement. Si Polybe lui fournit le trait, Ézéchiel lui fournit la couleur. Les imprécations figurées des prophètes laissent échapper dans leurs colères de précieux détails sur le luxe et la corruption. Telle singularité de