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Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/63

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LE HACHICH.

du moi, cet odieux témoin qui vous accompagne partout, que j’ai compris pour la première fois quelle pouvait être l’existence des esprits élémentaires, des anges et des âmes séparées du corps. J’étais comme une éponge au milieu de la mer : à chaque minute, des flots de bonheur me traversaient, entrant et sortant par mes pores, car j’étais devenu perméable, et, jusqu’au moindre vaisseau capillaire, tout mon être s’injectait de la couleur du milieu fantastique où j’étais plongé. Les sons, les parfums, la lumière, m’arrivaient par des multitudes de tuyaux minces comme des cheveux dans lesquels j’entendais siffler les courants magnétiques. — À mon calcul, cet état dura environ trois cents ans, car les sensations s’y succèdent tellement nombreuses et pressées que l’appréciation réelle du temps était impossible. — L’accès passé, je vis qu’il avait duré un quart d’heure.

Ce qu’il y a de particulier dans l’ivresse du hachich, c’est qu’elle n’est pas continue ; elle vous prend et vous quitte, vous monte au ciel et vous remet sur terre sans transition,