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LE HACHICH.

de cet honnête volatile. Les visions devinrent si baroques que le désir de les dessiner me prit, et que je fis en moins de cinq minutes, avec une vélocité incroyable, sur des dos de lettres, sur des billets de garde, sur les premiers morceaux de papier qui me tombaient sous les mains, une quinzaine de croquis les plus extravagants du monde. L’un d’eux est le portrait du docteur ***, tel qu’il m’apparaissait, assis au piano, habillé en turc, un soleil dans le dos de sa veste. Les notes sont représentées, s’échappant du clavier, sous forme de fusées et de spirales capricieusement tirebouchonnées. Un autre croquis portant cette légende, — un animal de l’avenir, — représente une locomotive vivante avec un cou de cigne terminé par une gueule de serpent d’où jaillissent des flots de fumée, avec des pattes monstrueuses composées de roues et de poulies ; chaque paire de pattes est accompagnée d’une paire d’ailes, et, sur la queue de l’animal, — on voit le Mercure antique qui s’avoue vaincu malgré ses talonnières. Grâce au hachich, j’ai pu faire,