Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/115

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La Kisaki leva ses grands yeux sur le prince et le regarda longuement.

— Je ne me repens pas, dit-elle, je t’aime, je l’avoue fièrement. Mon amour est pur comme un rayon d’étoile, il n’a nulle raison de se cacher. J’ai beaucoup songé en ton absence, j’étais effrayée par le sentiment qui pénétrait en moi de plus en plus, je me croyais criminelle, je voulais dompter mon cœur, faire taire ma pensée, à quoi bon ? La fleur peut-elle se défendre de naître et de s’épanouir, l’astre peut-il refuser de resplendir, la nuit peut-elle se révolter lorsque le jour l’envahit comme tu as envahi mon âme ?

— Ai-je bien entendu ! c’est à moi qu’une telle bouche adresse de telles paroles, s’écria le prince, tu m’aimes ! toi, la Fille des dieux ! Laisse-moi t’emporter alors ; fuyons hors du royaume, dans une contrée lointaine, qui sera le paradis. Tu es à moi, puisque tu m’aimes. J’ai été si malheureux ! Maintenant le bonheur m’écrase. Viens, hâtons-nous ; la vie est courte pour enfermer un tel amour.

— Prince, dit la reine, l’aveu que je viens de te faire, étant ce que je suis, doit te montrer à quel point mon amour est dégagé des préoccupations terrestres. Je ne m’appartiens pas en ce monde, je suis épouse, je suis souveraine, aucune action coupable ne sera com-