Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/117

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— Mais c’est impossible, je ne puis supporter la vie, dit le prince. Tu ne comprends donc pas ce que je souffre ? Tu dis que tu m’aimes et tu me tortures ainsi !

— Crois-tu donc que je ne souffre pas ? Je te jure, moi, de mourir de cet amour sans avoir recours au suicide.

Le prince s’était jeté sur le sol, le visage dans l’herbe ; de grands sanglots le secouaient.

— Tu me désespères, Ivakoura ! s’écria la reine, toute ma force d’âme se brise devant ta douleur. Je ne suis qu’une femme en face de toi ; ma volonté n’est plus souveraine : que faut-il faire pour sécher tes larmes ?

— Me permettre de te voir de temps en temps comme autrefois, dit le prince ; alors seulement je pourrai laisser venir la mort.

— Nous revoir après ce que je t’ai dit !

— Je l’oublierai s’il le faut, divine amie ; je resterai ton sujet humble et soumis. Jamais un regard, jamais un mot ne trahiront l’orgueil dont mon âme est pleine.

La reine souriait en voyant le bonheur éclairer de nouveau les yeux encore humides du prince.

— Tu m’as vaincue, disait-elle ; je croyais pourtant ma résolution irrévocable ; puissé-je ne pas être punie de ma faiblesse !

— Punie ! pourquoi ? dit le prince, quel mal faisons-nous ? Tous les seigneurs de la