Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/174

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en campagne, avant qu’une nouvelle fête soit organisée ; nous étudierons la ville quartier par quartier ; nous tâcherons de lui arracher son secret. Ah ! tu m’as rendu le courage, tu m’as fait presque joyeux !

L’espérance illuminait les yeux du jeune siogoun, un sourire entr’ouvrait ses lèvres.

Tout à coup un nuage passa sur son front.

— Combien je suis égoïste et cruel ! s’écria-t-il. Toi, mon ami le plus cher, mon frère dévoué, tu viens de perdre la femme que tu aimais, elle est morte d’une mort affreuse, et j’insulte à ta douleur en te parlant de mon amour et de mon espoir. J’ose être joyeux quand tu es désolé.

— Maître, dit Nagato, je ressens un profond chagrin de la perte de celle qui est morte pour moi, j’éprouvais pour elle une affection fraternelle, mais ma fiancée n’était pas la femme que j’aimais.

— Que dis-tu, s’écria Fidé-Yori, tu me retires un poids énorme de dessus le cœur, je te croyais à jamais désespéré. Tu peux donc être heureux encore, autant que moi.

Ivakoura secoua la tête.

— Mon amour est fait de lumière et d’ombre, dit-il. Je ne serai jamais complètement heureux ; il comporte une part de joie céleste et une part de souffrances profondes ; tel qu’il est, cependant, c’est toute ma vie.